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Valérie Barkowski – De fil en aiguille…

Certaines vérités méritent d’être dites. Car si dans ce monde il arrive que le destin nous mette parfois en pleine lumière, il peut aussi nous jouer de drôles de tours. Ainsi va la vie, dira-t-on. Voici l’histoire de Valérie Barkowski, pionnière du linge de maison qui, au fil de l’aiguille, revisite les savoir-faire ancestraux marocains depuis vingt-cinq ans.

Née en Belgique, Valérie Barkowski a depuis son plus jeune âge le goût des belles choses. Ce qu’elle aime c’est le classique, l’intemporel et les produits de grande qualité. Un beau jour, la vie la mène à Moscou, en Russie, où elle passera trois années heureuses. « À cette époque, en 1993, les belles matières premières étant difficiles à se procurer, c’est pour ainsi dire, par nécessité que je me suis lancée, avec l’aide de babouchkas brodeuses, dans la fabrication de draps et autres linges de maison pour aménager une datcha (maison de campagne) », se souvient-elle. Une étape fondamentale de sa vie avant de poursuivre son chemin vers une autre destination : le Maroc. Elle qui vient de la grisaille et du froid trouve alors ce pays, lumineux, enchanteur. Tout lui semble désormais possible… « Il faut savoir qu’à cette époque, les broderies n’existaient que sur les djellabas, les kaftans et sur les draps des trousseaux de mariage, et le linge de maison brodé main n’était pas commercialisé pas dans les boutiques », rappelle-t-elle. Passionnée et déterminée, Valérie Barkowski se lance tête baissée dans la confection créative, au départ pour le plaisir. Mais contrainte d’acheter de grandes quantités de linge, comme les serviettes de bain en éponge – avec un minimum de six cent pièces à chaque fois –, elle décide de forcer le destin en commercialisant ses propres créations, qu’elle veut uniques et raffinées. Mais les brodeuses marocaines sont difficilement accessibles, elles qui œuvrent principalement en famille, souvent pour leurs propres besoins. Qu’à cela ne tienne, elle part en quête de petites mains, ce qui s’avèrera être un véritable chemin de croix – pas moins de trois années lui seront nécessaires pour former son équipe et bien s’implanter. À ce moment-là, chaque région du pays a ses particularités en matière de finitions ornementales. Certaines sont fabriquées à Fès, d’autres à Asilah où elle découvre la tradition des « chichiattes », ces petits pompons qui ornent le « mendil », tissu traditionnel que les Rifaines portent sur les hanches et qu’elle utilise alors pour la première fois. C’est pour elle une révélation, une indéniable innovation. 

L’artisanat en haute couture

Elle conçoit alors une collection complète et se jette à l’eau en contactant Françoise Dorget, la fondatrice de la boutique Caravane à Paris, et propose de lui faire parvenir ses collections de Marrakech. L’accord est passé, Valérie Barkowski expédie ses cartons, le fruit de trois années de travail. C’est une première victoire, la boutique parisienne lui réserve une place de choix. Prise dans le tourbillon du succès, elle souhaite participer au Salon Maison et Objet, à Paris. Elle se présente à la sélection et décroche le Graal : un stand dans l’espace Scène d’intérieur. Une véritable gageure pour une marque encore inconnue et en provenance d’un pays réputé, au début des années 2000, n’offrir que des produits très bon marché. La carrière de la créatrice s’envole. Elle ouvre un atelier à Sidi Ghanem, une première franchise à St Barth, une boutique audacieuse à Paris, entièrement rouge avec une tente à l’intérieur. L’univers de la mode lui fait de l’œil et c’est une petite écharpe multicolore au succès presque instantané qui lui permet de s’agrandir de façon à peine croyable. Quatre-cent-cinquante boutiques dans le monde vendent sa marque dont neuf franchises et quatre en nom propre. Au Maroc, elle crée les fameuses parures de lit aux pompons multicolores ou ornées de travail à l’aiguille ou de passementerie, que nous connaissons tous. Mais des soucis financiers font surface. Elle cède alors l’entreprise et part se refaire une santé financière en Inde où elle travaille comme conceptrice et directrice artistique pour des entreprises locales. À son retour dans le Royaume, elle s’aperçoit que le linge de maison a le vent en poupe et que de petites et grandes entreprises ont profité de son absence pour s’approprier son travail. Il lui en faudrait cependant plus pour la décourager. En 2016, elle ouvre dans le quartier de Dar El Bacha une superbe boutique de linge de maison et d’accessoires de mode, avec le soutien indéfectible de son ami et voisin Mustapha Blaoui, conservant ainsi sa signature reconnaissable et intemporelle, gage de qualité inégalable. 

Même si Valérie Barkowski est heureuse de renouer aujourd’hui avec ce qu’elle avait accompli autrefois, son regret est d’être partie une décennie et d’avoir laissé disparaître certaines techniques de broderie qu’elle ne retrouvera plus. Soit, mais comptons sur elle pour en inventer de nouvelles, car la créatrice, qui n’a d’yeux que pour l’avenir, nous promet d’ores et déjà quelques très belles surprises, dont elle seule a le secret.

V.Barkowski Store

Du lundi au dimanche, de 10 h à 19 h

142, Arset Aouzal Rd, Marrakech

+ 212 (0)6 24 49 40 01

valerie.barkowski@gmail.com

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