Créatrice à l’univers foisonnant et bigarré, Salima Abdel-Wahab conçoit ses lignes de vêtements à l’encontre des impératifs de séduction et de plaisir éphémère qui caractérisent habituellement la mode. Soucieuse de préserver les équilibres de la planète et de rendre hommage à la diversité de ses habitants, la styliste séduit un public de plus en plus large.
Salima Abdel-Wahab se méfie de la mode comme de la peste. « Plus que la mode, ce qui m’intéresse c’est l’humain », revendique celle qui a baigné dès sa plus tendre enfance dans un univers artistique. Issue d’une famille tangéroise de musiciens, elle s’est adonnée pendant huit ans à la danse classique. Sa passion de la musique la conduira un temps à embrasser une carrière de chanteuse au répertoire aussi hétéroclite que ses créations vestimentaires, allant du jazz à la bossa nova. Elle collabore aujourd’hui avec le compositeur Steve Shehan qui crée la bande-son accompagnant tous ses défilés. L’univers de Salima, c’est avant tout celui du partage et de l’inventivité. Dans une démarche écoresponsable, cette « passionnée des matières brutes » crée le plus souvent à partir de matériaux recyclés, glanés çà et là dans les différentes usines de confection dont regorge Tanger. « Je recycle tous les tissus dont les usines ne veulent plus », confie-t-elle, en passant en revue ses matières de prédilection que sont le lin, le jute, la laine ou le chanvre dont elle admire la capacité de résistance. Ses vêtements sont conçus pour durer, non pour satisfaire un désir superficiel de nouveauté et d’originalité qui caractérise souvent l’univers de la mode. « Ce que je propose, ajoute-t-elle, est presque anti-commerce et va à l’encontre de notre société de consommation. » Avec elle, rien ne se perd, tout se transforme comme en témoigne l’habileté avec laquelle chaque chute de tissu est toujours recyclée dans un souci de composition presque pictural.
L’imagination au pouvoir
« Créer un vêtement, c’est comme composer un tableau », précise la styliste qui adore manipuler les matériaux, les transformer, les mélanger les uns aux autres dans un souci d’innovation toujours plus affirmé. En témoignent cette djellaba en forme de tipi confectionnée à partir de sacs en plastique lors de la COP22, ce sac-masaï en forme de gilet « qui s’adapte parfaitement au corps » créé alors qu’elle se rendait au Burkina Faso, cette ceinture-kilim comportant de nombreuses poches secrètes ou ces djellabas bi-couleurs réversibles qui se transforment aisément en robes du soir. Soucieuse de donner forme à des vêtements confortables qui épousent les mouvements du corps, Salima Abdel-Wahab reconnaît que si ses créations n’obéissent à aucune règle prédéfinie, « le concept clé reste celui du voyage et du vagabondage ». La mode, précise-t-elle quand on lui demande de définir son style, « c’est de l’architecture sur un corps en mouvement ». La créatrice n’en délaisse pas moins des produits plus classiques telles que ces robes Tania ou Merzouga, inspirées du désert marocain et du haïk traditionnel ou des vêtements sportwear pour homme qu’elle définit comme étant « sport-chic confortables ». Le succès semble être au rendez-vous de cet esprit frondeur et inventif dont les créations peuvent être découvertes à Tanger, dans les deux showrooms qui exposent ses travaux les plus récents, mais aussi à Marrakech, dans les boutiques 33 Majorelle et Intensité Nomade. Après avoir été l’an passé l’ambassadrice du monde arabe à la dernière Fashion Week de Cape Town, en Afrique du Sud, Salima espère répondre favorablement à l’invitation de participer à une Fashion Week à New York.
Toujours plus haut pour une styliste fière de porter les couleurs chatoyantes de son pays, le Maroc, et de sa ville la plus cosmopolite, Tanger !