À la tête de la restauration du Royal Mansour Marrakech, le chef Yannick Alléno porte au sommet de leur art les cuisines marocaine et française. Passé par les prestigieux Royal Monceau et Meurice où il obtient ses trois étoiles au guide Michelin, présent à Dubaï, Pékin, Taipei, Saint-Tropez, Paris et Courchevel où, dans son expérimental Cheval Blanc, il utilise les recherches de son laboratoire d’amplification des saveurs par extraction, à froid, des sucs de certains aliments, il mène sa carrière tambour battant. Bien qu’il se revendique comme un chef parisien, très attaché à valoriser les produits du terroir d’Île de France, il excelle à créer, innover, tester, jouer avec le produit marocain. Grâce à sa rigueur et son talent à réinventer les plats de la cuisine traditionnelle, dont il donne une interprétation aussi étonnante que précise, il a réussi à faire de sa Grande Table Marocaine la meilleure référence gastronomique du pays. Visionnaire, audacieux quoique respectueux du patrimoine, son art culinaire dépasse les frontières.
Yannick Alléno, un amoureux du terroir
Un trait caractéristique de la cuisine marocaine ?
Sa culture des épices et ses mélanges de saveurs sucrées-salées. Il y a là une vraie recherche d’équilibre.
Un apport emblématique que vous doit la Grande Table Marocaine du Royal Mansour ?
Tout en partant des recettes traditionnelles, à base des produits populaires marocains, j’ai cherché à ajouter une valeur gastronomique. C’est un travail complexe et rigoureux, qui nécessite l’élaboration de règles codifiées, tant en matière d’adaptation et d’invention de recettes que de sélection des produits, de préparation des mets et de gestion des cuisines.
Qu’avez-vous appris en travaillant avec les cuisiniers et le personnel marocains ?
J’ai expérimenté de façon très enrichissante une autre manière de cuisiner, avec de nouveaux produits, simples mais puissants en goût. J’ai observé qu’il y a une grande rigueur dans le travail des cuisiniers marocains, notamment pour le dosage des épices, qui doit être très précis. J’ai surtout appris la cuisson en tagine.
Un des must du terroir marocain ?
Ses très nombreuses épices, qui permettent une multitude d’assaisonnements et de possibilités. Mais si je devais choisir, mon plat préféré serait la pastilla au pigeon, simple mais très goûteuse.
Avez-vous mis à la carte de vos tables françaises des plats ou des produits typiquement marocains ?
Pour la Grande Table Française du Royal Mansour, j’ai élaboré une carte qui utilise des produits phares du terroir marocain, comme l’araignée de mer, la truffe noire, la langouste ou encore le veau des domaines. Une vaisselle particulière a également été créée, avec un travail de design autour des motifs traditionnels du royaume.
Un mot sur les vins rouges locaux ?
Au Maroc, les conditions climatiques favorisent la production de vins à fort degré d’alcool. Ce sont des crus atypiques, épicés, aux arômes de fruits rouges et aux notes boisées.
Une de vos fiertés ?
La Grande Table Marocaine du Royal Mansour est la seule du continent africain à avoir pu intégrer le cercle très fermé des Grandes Tables du Monde. C’est une belle récompense, qui consacre le Maroc comme une grande nation culinaire. Je suis aussi très fier de la création du label français « Poussé ici, cuisiné ici », qui donne la possibilité aux chefs parisiens d’affirmer qu’ils travaillent avec des produits d’Île de France. J’aime ce qui a le goût de l’origine, comme l’asperge d’Argenteuil ou le chou de Pontoise, jamais clonés ni croisés depuis Napoléon 1er. Je pense que dans un monde aussi globalisé que le nôtre, plus que jamais les gens ont besoin de reprendre contact avec leur environnement immédiat.
Vos deux péchés mignons, respectivement des cuisines marocaine et française ?
Je suis très gourmand… Les « ghriba aux amandes », j’en suis fou. Et le Paris-Brest.